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Artículo #168

Femme, pouvoir et cuisine

Por Claudia Gacitúa M. ABRIL DEL 2023

Historiquement, les femmes ont toujours été les responsables et maîtresses de l'espace domestique, limité et privé, que l'on appelle « cuisine ». Ma grand-mère, après avoir chassé les enfants avec ses torchons blancs en criant « Les hommes ne rentrent pas dans la cuisine ! », refermait la porte afin de continuer à cultiver l'idée que c'était là que les femmes avaient leur place. Pour elle, c'était à cela que les femmes servaient : à préserver dans le temps ce concept de famille bien constituée, si étroitement lié à l’alimentation, au soin, à l'acte le plus pur qu'est celui de cuisiner pour élever et nourrir les autres.

Texto destacado

Pouvoir qui a exclu les femmes de cet axe, les abandonnant dans un coin et les convaincant que la marmite ne pouvait pas rester sans surveillance, qu'il fallait toujours quelqu'un pour remuer la préparation, pour faire attention à ce que le feu ne s'éteigne pas ou que le pain ne brûle pas, alimentant ainsi cette mise à l’écart de l'espace public.


Je me souviens que quand j’étais étudiante en gastronomie, une femme plus âgée m'avait félicitée car j’aurais la capacité de rendre mon futur mari et mes enfants heureux. Il semblerait qu’une femme n’ait pas besoin de se professionnaliser pour ce pour quoi elle est née, et si elle le faisait ça ne serait que pour l’affection de ses proches. En partant de ce postulat, la cuisine est devenue un espace exclusivement féminin, loin de la sphère publique avec tout ce que cela comporte. Ainsi, la rejeter ou la quitter, pour quelque raison que ce soit, n’a jamais été bien vu.

Les grands-mères, les mères, les épouses… celles qui ont servi d’inspiration à tous les chefs étoilés, sont restées dans les cuisines de leurs maisons. Alors que les hommes professionnalisaient la cuisine, les femmes en étaient exclues et reléguées à la sphère domestique. Cette fonction professionnelle, axée sur la productivité et la reconnaissance, était traditionnellement confiée aux hommes.

Les femmes n’ont jamais été payées pour cuisiner, car l'amour n’a pas de prix. À l’inverse, les hommes ont réussi à en faire un commerce. Alors que les femmes continuaient de cuisiner chez elles, répondant à la nécessité physiologique qu’est la faim, les hommes se sont installés dans le monde de la gastronomie, satisfaisant l’appétit, ce besoin presque instinctif de s’alimenter par pur plaisir.

Il y a un siècle, Gregorio Marañon a observé une relation entre la gastronomie et l’appétit. Ce lien positionne la cuisine professionnelle comme un espace masculin, dotée d’une importance à la fois symbolique, mais aussi économique. En effet, l’alimentation peut être pensée, monnayée et amenée dans un espace public, créatif et visible, où l'économie et la concurrence règnent. En d'autres termes : un espace de pouvoir.

Pouvoir qui a exclu les femmes de cet axe, les abandonnant dans un coin et les convaincant que la marmite ne pouvait pas rester sans surveillance, qu'il fallait toujours quelqu'un pour remuer la préparation, pour faire attention à ce que le feu ne s'éteigne pas ou que le pain ne brûle pas, alimentant ainsi cette mise à l’écart de l'espace public.

Dans les grandes lignes, nul besoin de défaire la cuisine de son spectre affectif pour comprendre que l’alimentation, en dehors de l'espace privé et limité du foyer, devient un domaine de pouvoir, si grand et efficace, que le simple fait de penser que les femmes sortent de chez elles pour rejoindre la cuisine dite « publique » constitue une réelle menace.

Ce qui se joue dans les cuisines est telle, qu'au-delà de l'élément amoureux, aphrodisiaque ou agréable, la nourriture constitue un « soft-power », un pouvoir qui n'a pas besoin ni bombes ni d'armées, qui s'assoit à table, partant du principe que toutes les relations deviennent amicales autour d’un bon plat.

Si bien que personne ne veut renoncer à ce pouvoir, car ce n'est pas qu'il n'y ait pas de femmes dans la gastronomie, il y en a des très talentueuses, mais il semble que la cuisine soit aujourd'hui encore un lieu hostile pour elles, où les écarts déjà connus entre les sexes s'ajoutent à une structure hiérarchique et autoritaire. La cuisine devient alors un espace de conflit où l'inégalité doit être combattue.

Bien que cela semble paradoxale, ce sera à partir de cette pièce, exclue de tant d'autres espaces de pouvoir, que les femmes commenceront à préparer la révolution, mais pas dans leur propre foyer : dans la cuisine publique, celle des étoilés, de la reconnaissance et de la productivité, c'est-à-dire, dans la gastronomie, la cuisine des hommes.


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À propos de l'autrice:

Claudia Gacitúa M. Master en Sciences de la Communication de l'université de Santiago du Chili. Journaliste, Sommelière et Gastronome. Directrice du Diplôme en Communication Viticole de l'université Andrés Bello et professeure au sein de l'Ecole des Sommeliers du Chili. Co-fondatrice de l'Association des Femmes du Vin du Chili. Experte au sein du réseau « Hay Mujeres ». Dédiée à la communication des vins et de la gastronomie à travers différents formats, langues et expériences, ces dernières années, elle s'est concentrée sur la recherche de l'importance de la formation des communicateurs œnogastronomiques au sens le plus large du terme, de l'enseignement, comme dans la MesaCultura et Le Winederful, ses projets personnels.


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(*) Traduction française par Pauline Faye. Illustration de couverture par Catherine Kay Greenup. Huile originale sur toile.